17,3 Pouces
Contes de Stéphane d'Arc

Cependant, une fois rentré dans sa demeure, et alors qu'il aurait dû en conséquence se sentir en sécurité, il éprouva une oppression incontrôlable de connaître un autre lui-même. Une colonne de douleur pesa sur son ventre, et il dut se lever, incapable de rester assis. Quelque chose bourdonnait dans sa tête, et il était comme un animal face au bruit incompréhensible de l'orage, marchant inlassablement autour de la pièce. Une fois dehors, il crut se sentir mieux, mais ce n'était que l'appel du large, et il se mit à courir.
Il l'aperçut de loin, sachant que c'était lui sans le distinguer pour autant. L’autre n'avait pas bougé, comme s'il l'attendait. A trente pas il s'arrêta. Un bourdonnement emplissait toujours son crâne.
"Ainsi, cela c'est moi, se dit-il, j'ai donc cet air aussi gauche et emprunté…" et Sylvain remarqua enfin qu'ils étaient habillés semblablement. Heureusement il soufflait un vent frais, marin, et ce rafraîchissement continuel de son corps le freinait d'agir. Il n'en continuait pas moins d'avancer. L'autre Sylvain le regardait dans les yeux, il avait des yeux marron ternes, et un visage désagréable, mais ce qu'il y avait d'incontestablement désagréable dans ce visage ne pouvait se définir, et procurait cependant un malaise. Sylvain crut comprendre enfin pourquoi il avait été aussi seul dans son existence, pourquoi, même enfant, il n'avait pas été aimé. Il vit enfin devant lui le pouvoir qu'il possédait malgré lui, celui de mettre un mur entre lui et le monde. [...]