17,3 Pouces
Contes de Stéphane d'Arc

Un double

Quand cela advint, comme cela, au beau milieu des champs et alors qu'il était étendu parmi les blés, sylvain demeura parfaitement immobile tant il se trouva interloqué et incapable d'envisager la réalité qui lui crevait les yeux.
Pour dire la vérité, il n'y avait jamais songé auparavant, et encore l'eût-il fait qu'il n'aurait su en dire grand-chose. Il en était là, quand ce qu'il considérait comme une apparition (condamnée de ce fait à disparaître) remua, et se mit à parler…
Pendant qu'il l'écoutait, ou serait-on tenté de dire, pendant qu'il écoutait la chose, car on ne saurait qualifier d'humain tout ce qui parle, Sylvain se mit enfin sur son séant. En face de lui, le surplombant et le couvant de son ombre, un Sylvain tout pareil à lui parlait dans une langue étrangère. Le plus étrange est qu'il semblait en colère. C'est précisément à ce moment-là que Sylvain se sentit comme dédoublé, là présentement assis, et spectateur invisible non loin de cet événement pour le moins curieux, à moins de penser qu'ils étaient tous les deux des jumeaux étrangers.
La pensée humaine a beau être puissante, la réalité l'est davantage. Ainsi, suite à ses premières surprises, Sylvain se prit à penser qu'après tout, ce qui lui arrivait était parfaitement dans l'ordre des possibles, à savoir qu'il existait une autre personne dans le monde qui lui ressemblait parfaitement, (quoiqu'il distinguait à présent des différences qui n'existaient cependant pas), laquelle visitait son propre pays, sa propre région, si bien qu'un hasard malencontreux les avait faits se rencontrer. Somme toute, l'essentiel était au plus vite de se débarrasser de l'intrus et de penser à cet incident comme à une farce de l'existence. Et, comme Sylvain ne comprenait rien au charabia que dégoisait son alter ego, il se leva, et tournant le dos à son colérique double, il s'en alla.