17,3 Pouces
Contes de Stéphane d'Arc

L'oiseau

J'ai pour nom Arthur Ferra, et il semble que je sois né le 15 décembre 1961. J'ai donc suivant ces dates l'âge de 44 ans. On m'a condamné à mort pour homicide volontaire le 3 février 2004 ; et il apparaît peu probable que je ne sois pas définitivement mort le 6 juin 2005. Un âge que l’on juge communément moyen aujourd’hui, c’est-à-dire vieux pour les jeunes, et jeune pour les vieux. Quant à moi, ce n’est pas vraiment le chiffre lui-même qui évoque ou définit quelque chose pour moi, mais plus résolument en fonction de cet âge, la probabilité accrue des maladies graves, les rides et la perte des cheveux, tout signe d’un dépérissement et d’un vieillissement du corps. Assurément, ces changements engagent une nouvelle conscience dont je me serais bien passé, conscience que l’on n’a certes pas encore à 30 ans (du moins pas complètement), mais qui à 44, prend une mesure de plus en plus exorbitante avec les années ; et puis, il y a ces retours en arrière, alors que l’on n’avait jamais regardé que de l’avant, le pouvoir du regret et de la nostalgie, la sensation accrue d’avoir manqué ce qu’on s’était projeté d’être ou de faire, doublée d’une nouvelle perception, celle que ces désirs de réalisation n’étaient que des illusions de jeunesse devenues caduques, obsolètes, pis : risibles ; et l’on accepte amèrement et docilement cette situation nouvelle, puisqu’on ne parvient plus à réanimer la flamme qui nous faisait agir et vouloir.