Trilogie latine
Roman de Stéphane d'Arc

[...] À la question de savoir pourquoi le diable et l'enfer ont-ils besoin d'âmes, on ne peut répondre par la simplicité, parce que le diable est le diable, ou parce que Dieu l'a voulu ainsi. La vérité est que le diable n'a d'autre ambition que de renverser Dieu pour pouvoir régner sur la terre, c'est ainsi qu'il cherche à gonfler le nombre de ses armées, car de beaucoup d'âmes damnées, il fait des démons. Mais il y a une autre raison qui est tout aussi importante quant à l'organisation interne de l'enfer, et c'est que les démons se nourrissent de la peur et de l'angoisse des âmes ; il va de soi que c'est une analogie, car les démons ne mangent pas comme nous pour assurer le bon fonctionnement du corps. La vue seule des damnés qui souffrent procure aux démons une félicité et un contentement.

Après la porte de corps humains, il se présenta un long couloir sans fond, où à dextre et à senestre étaient d'innombrables portes de bronze. Soudain, une porte s'ouvrit à notre passage. L'ange franchit le premier cette porte et il se fit une nouvelle métamorphose dans sa personne ; ses cheveux raccourcirent et devinrent clairsemés et d'un blanc sale, son visage se creusa et rida abominablement. Bien que nous fûmes sous terre, il me sembla que nous sortions alors au-dehors, tant le ciel (qui était donc le plafond de la grotte) était éloigné et d'une lumière rouge semblable à celle du deuxième jour ; en outre, la salle n'avait ni côté ni fond par lesquels on eût pu l'évaluer. Le sol était d'un cristal épais et on distinguait lointainement des formes remuer dans ses profondeurs. Nous avançâmes sur ce sol lisse qui ne résonnait pas sous nos pas. En regardant l'ange, je m'aperçus qu'il avait perdu ses yeux desquels on ne voyait plus que deux cavités vides.