Trilogie latine
Roman de Stéphane d'Arc



[...] Dans le silence, elle se calma peu à peu. Lui dormait. Le noir autour d'elle et qui l'enveloppait l'effraya soudainement et elle fit la lumière dans la chambre. Elle observa ses yeux. Ils étaient morts, clos, et ne la regardaient plus à présent qu'ils la contenaient. Elle l'appela par le mot coloré par lequel il avait l'habitude de répondre, mais rien. Elle eut un bourdonnement dans la tête, des chuchotements qui s'amplifièrent. Elle ne voulait pas y répondre. Elle avait le droit de le faire, mais elle ne le voulait pas ; pendant un instant elle préféra le mensonge, et puis il fallut bien se soumettre. Ce mensonge, c'était que le nom qui se reflétait dans les yeux à présent morts n'était plus Aimée, mais Désirée. La mort dans l'âme, elle se munit de ciseaux et lui perça le cœur, puis le retira de la niche où il était confiné en égoïste. Comment un homme pouvait-il se répandre à ce point parce qu'on lui perçait le cœur ? Car quand Aimée eut enfoncé les ciseaux, une matière liquide et rouge s'était abominablement déversée. Même avec le temps, elle eut un certain mal à s'habituer à tant d'impudeur. Pourquoi tant de résistance à lui donner des choses qui déjà lui appartenaient ? Sans même l'avoir cherché, elle accomplissait ce destin que toute petite, sa mère lui avait dressé : elle fut bel et bien un bourreau des cœurs. Elle en eut bientôt toute une collection, car avec le temps, et le plus de savoir qu'il lui donna, elle apprit à conserver les fruits de ses conquêtes. Une armoire les contenait, et une fois la semaine, se dévêtant entièrement, elle leurs montrait cette chair qu'ils ne pouvaient plus saisir. Mais par un jour gris on vint la chercher. Elle s'y était attendue, et avait même préparé une petite valise à cet effet. Il y avait des hommes en noir et d'autres en blanc. Elle refusa que les hommes de la nuit l'approchent, mais elle suivit volontiers les hommes de lumière.

Voilà, c'est son histoire à elle, et il me faut reprendre la mienne. Si vous le voulez bien, pour ce faire, je retournerai dans le passé proche. Rappelez-vous ce jour où vous usâtes d'un subterfuge pour confondre ma raison. Il faudra plus d'un tel stratagème, bien qu'assez machiavélique, pour me rendre fou. Il y a trois jours donc, on me dit que j'allais voir mes parents, ce qui me jeta dans une grande perplexité. Au début, votre plan réussissait à merveille. Je ne raconte pas cet événement simplement pour vous en faire le récit, croyez-le bien, mais parce qu'il fut la cause d'un autre événement qui se trouve être d'une importance primordiale au point où nous en sommes. J'ajouterai pour vous éclairer, que sans lui, je n'écrirais même pas ces lignes. Mais reprenons, car je sens que je me répète. Un homme et une femme sont entrés. Ils avaient des cheveux de cendre. Comme je ne reconnaissais ni l'un ni l'autre, je leur ai demandés à qui ils voulaient parler. [...]




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Auteur :
Genre : Roman
Pages : 304
Format : 140 x 200 mm
ISBN : 978-2-37136-012-9
Impression : CPI Firmin Didot


*Frais d'envoi inclus (pour la France métropolitaine)