Le lièvre et la tortue (Livre VI, fable 10)
Fables de La Fontaine (1668 - premier tome)
Jean de LA FONTAINE (1621-1695)

Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. 
Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage. 
Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point 
Sitôt que moi ce but. - Sitôt ? Etes-vous sage ? 
Repartit l'animal léger. 
Ma commère, il vous faut purger 
Avec quatre grains d'ellébore. 
- Sage ou non, je parie encore. 
Ainsi fut fait : et de tous deux 
On mit près du but les enjeux : 
Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire, 
Ni de quel juge l'on convint. 
Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire ; 
J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint 
Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux Calendes, 
Et leur fait arpenter les landes. 
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter, 
Pour dormir, et pour écouter 
D'où vient le vent, il laisse la Tortue 
Aller son train de Sénateur. 
Elle part, elle s'évertue ; 
Elle se hâte avec lenteur. 
Lui cependant méprise une telle victoire, 
Tient la gageure à peu de gloire, 
Croit qu'il y va de son honneur 
De partir tard. Il broute, il se repose, 
Il s'amuse à toute autre chose 
Qu'à la gageure. A la fin quand il vit 
Que l'autre touchait presque au bout de la carrière, 
Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit 
Furent vains : la Tortue arriva la première. 
Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison ? 
De quoi vous sert votre vitesse ? 
Moi, l'emporter ! et que serait-ce 
Si vous portiez une maison ?



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Le lièvre et la tortue (Livre VI, fable 10) est un extrait du livre "Fables de La Fontaine (1668 - premier tome)" - CLE

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