Spleen (LXXVIII)
Les fleurs du mal (1861)
Charles BAUDELAIRE (1821-1867)

    Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle 
    Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis, 
    Et que de l'horizon embrassant tout le cercle 
    Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ; 
    
    Quand la terre est changée en un cachot humide, 
    Où l'Espérance, comme une chauve-souris, 
    S'en va battant les murs de son aile timide 
    Et se cognant la tête à des plafonds pourris ; 
    
    Quand la pluie étalant ses immenses traînées, 
    D'une vaste prison imite les barreaux, 
    Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées 
    Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux, 
    
    Des cloches tout à coup sautent avec furie 
    Et lancent vers le ciel un affreux hurlement, 
    Ainsi que des esprits errants et sans patrie 
    Qui se mettent à geindre opiniâtrement. 
    
    - Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, 
    Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir, 
    Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique, 
    Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.



Merci d'avoir consulté Spleen (LXXVIII) de Charles BAUDELAIRE (1821-1867)

Spleen (LXXVIII) est un extrait du livre "Les fleurs du mal (1861)" - CLE

Découvrez également les livres de la collection CLE