Nouvelles électives les jours de pluie
Recueil de poésies de Mélissa Blanc

PASTELS

Toutes les nuits, dès que je ferme les yeux, elles m’envahissent, laissant dans leur sillage une bouche, un éclat de rire, une feuille, une odeur de citron.

Ces formes viennent se lover contre moi, elles m’attendent, me traversent et me réchauffent ; elles illuminent ce moment noir et humide qui s’accroche à moi dès que je bascule.

L’atmosphère est claire, vide et lumineuse.

Je les vois, je crois les connaître, bien que je ne puisse les dénommer, elles se transforment et revêtent mes envies, mes voyages au gré de mes rêves.

Elles sont le début, la naissance, la maïeutique.

Grâce à elles, je réussis à rendre ce monde intelligible sensible, grâce à mes souvenirs, à mes embruns de journée, à mes embruns de nuit.

Je me figure pouvoir y vivre à jamais, n’avoir besoin que de moi et de ce monde des idées, des formes, des imaginaires.
Ce monde des couleurs me séduit, tout y est lisse, laiteux, duveteux, rond et délicat.

J’en détiens les clefs, l’extraordinaire y est commun, l’ordinaire n’existe pas, le conventionnel, le pratique, l’efficace n’en font pas partie.

Tout s’étire à perte de vue, une seconde est répétée à jamais, un écho est dessiné, modélisé, qui maintenant nage sur les courants orangés.

Les choses ne sont plus des choses, elles ne sont qu’une dimension mineure, la sensiblerie est partout, ce qui n’est pas dit, ce qui est senti raconte une histoire bien plus importante et caractérise le marque-page du voyage.

C’est à partir de lui, en fonction de lui, entre ses lignes, sur ses contretemps, à la mesure de son intensité, à la tempérance de ses modulations.

C’est jouissif, le signifiant n’existe plus, le lettré est celui qui surfe sur les strates, qui se dépasse psychiquement, qui ne se laisse pas enfermer.

La démence, le coloré, le bordel, la connerie, l’insouciance, la rêverie.

Gaieté Jaune