L'ignorance...
Stéphane d'ARC (1966)

Lorsqu'on évoque l'ignorance de certains ou que l'on accuse certains d'ignorance, on ne fait pas référence à un déficit de connaissances générales, ce qu'on invoque plus sûrement est un retrait du savoir. Une personne ne produit donc plus aucun savoir particulier, ni sur elle-même, ni sur les autres, parce qu'elle s'est définitivement rangée sous la bannière d'une pensée générale, partagée par le plus grand nombre sans la moindre réflexion.

En l'occurence, il ne s'agit même pas de pensée, mais d'idéologie, c'est-à-dire de système moral. Celui-ci gouverne la plupart des gens sans même qu'ils en aient conscience, et c'est bien en ce sens que ce sont des ignorants.

C'est dans ce système que les individus puisent sans qu'ils en soient les sujets les paroles vides qu'ils déversent sur un monde figé et mort, celui commun à tous les ignorants. Ce système, cette somme d'idéologies fonde un tissu solide de croyances qui emmure la réalité dans d'étroites bornes. Et c'est quand ainsi tout va de soi qu'on peut établir des lois, une société, un certain rapport à son semblable. A une échelle différente, on parlera de civilisation.

Lorsqu'une chose apparaît évidente, c'est précisément à cet endroit que gît l'ignorance. L'évidence, ce qui tombe sous le sens et qui donc, est véhiculée par tout le monde comme une vérité établie, n'est bien entendu qu'une construction de l’esprit motivée par une certaine vision du monde, elle-même n’étant qu’un rapport particulier à la causalité.

L'ignorance n'est donc pas de ne pas savoir, mais de n'en rien vouloir savoir.

Réflexions - 2021. © CLE