Égalité, fraternité...
Jean LAHOR (1840-1909 - Henri CAZALIS)

Zig et zig et zig, la Mort en cadence
Frappant une tombe avec son talon,
La Mort à minuit joue un air de danse,
Zig et zig et zag, sur son violon.

Le vent d’hiver souffle, et la nuit est sombre ;
Des gémissements sortent des tilleuls ;
Des squelettes blancs vont à travers l’ombre,
Courant et sautant sous leurs grands linceuls.

Zig et zig et zig, chacun se trémousse,
On entend claquer les os des danseurs ;
Des couples furtifs s’assoient sur la mousse,
Comme pour goûter d’anciennes douceurs.

Zig et zig et zag, la Mort continue
De racler très fort son aigre instrument.
Un voile est tombé ! la danseuse est nue :
Son danseur la serre amoureusement.

Zig et zig et zig, quelle sarabande !
Quel cercle de morts se donnant la main
Zig et zig et zag, on voit dans la bande
Le roi gambader auprès du vilain.

Mais psit ! tout à coup on quitte la ronde,
On se pousse, on fuit, le coq a chanté.
— Oh la belle nuit pour le pauvre monde.
Et vivent la Mort et l’Égalité !