Napoléon, l'Égyptienne & le sang-mêlé
Roman de Stéphane d'Arc

Il y avait eu une insurrection dans le midi et à Toulouse, la guerre civile en Vendée fomentée par les Anglais (je pensai au manuscrit de ma mère), les frontières étaient peu sûres, et de plus il fallait assurer la protection de la capitale. Je répétai incrédule les derniers mots. On me rassura, ce n'étaient que des mesures militaires. Je hasardai une autre question : pourquoi n'avoir pas plutôt attendu l'ennemi plutôt que prendre l'offensive comme le suggéraient les préparatifs militaires de l'empereur ? Le lieutenant répondit seul qu'il s'agissait là du caractère propre de l'empereur, porté depuis toujours à l'attaque plutôt qu'à la défense. Après les avoir salués je partis me coucher quelque peu déboussolé. Je dormis cependant d'un seul trait jusqu'à mon réveil.

Trois jours de marche forcée, après le passage de l'Escaut et de la Sambre, nous menèrent à l'un des quartiers généraux français à Beaumont. Il m'avait été impossible de penser à quoique ce fût, marchant comme un somnambule, me couchant de même. Là, nous rejoignîmes la troisième division du IVème corps à laquelle nous avions été affectés. La plupart des soldats étaient beaucoup plus âgés que nous tous.

Je m'aperçois que ma vue se trouble, je ne crois pas que je vais m'attarder longtemps ; il m'a déjà été difficile de trouver un moment et un endroit pour écrire ces quelques lignes. Nous serons demain le 13 juin. Un soldat m'a dit que nous n'étions qu'à une dizaine de kilomètres de l'ennemi : les Prussiens.

Encore une chose que je n'arrive pas à concevoir ; le danger me parait inexistant. Nous sommes désormais à Philippeville, qui se trouve à vingt-cinq kilomètres à l'est de Beaumont, toujours en deçà de la frontière française. Je me sens aujourd'hui moins fourbu, sans doute mon corps s'est-il habitué à la marche.