17,3 Pouces
Contes de Stéphane d'Arc

J'ai toujours considéré la pendaison (autant que j'ai pu par moments y réfléchir, ce qui n'est pas forcément aisé – on en conviendra) comme la forme la plus élémentaire du suicide, j'entends par là sa forme la plus déterminée. Du reste, il est inquiétant de songer que cette opinion est très largement partagée, sans qu'on sache s'il s'agit là d'un phénomène culturel ou de quelque chose de bien plus profond (partant inexplicable, du moins avec mes faibles ressources), qui touche à notre représentation de la mort (ce vers quoi je pencherai aisément). J'en infère donc qu'elle est la forme la plus abjecte d'exécution. Une nation qui tue par décret au moyen de la pendaison, soit de la forme la plus avérée du suicide, est une nation perverse, qui a parfaitement compris et assimilé les angoisses de mort de son peuple. Les gens ne songent nullement, c'est-à-dire jamais, qu'ils vivent dans un pays qui tue ses éléments indésirables par pendaison ; si moi-même j'en avais eu autrement conscience que par les seuls récits que j'ai entendus, je me serais révolté ou je serais parti vivre ailleurs. Non, voilà qui est parfaitement faux, je sais très bien que je n’aurais rien fait, je suis trop lâche ou trop indifférent au monde qui m’entoure ; c’est cela qui est vrai. À propos, et puisque nous en sommes là, je tiens à déclarer que si je me suis porté garant pour l'écriture de mon histoire, c'est non seulement pour la grasse rémunération qui m'a été octroyée, mais également à la stricte condition que ce récit ne soit jamais publié sous forme de livre, ni réédité plus tard dans d'autres journaux, car il s'agit là de mon actualité, et celle-ci ne saurait devenir une farce, ou un divertissement. [...]