Mon portrait
Alexandre POUCHKINE (1799-1837)

Vous me demandez mon portrait,
Mais peint d’après nature ;
Mon cher, il sera bientôt fait,
Quoique en miniature.

Je suis un jeune polisson,
Encore dans les classes ;
Point sot, je le dis sans façon
Et sans fades grimaces.

Onc il ne fut de babillard,
Ni docteur en Sorbonne —
Plus ennuyeux et plus braillard.
Que moi-même en personne.

Ma taille à celles des plus longs
Ne peut être égalée ;
J’ai le teint frais, les cheveux blonds
Et le tête bouclée.

J’aime et le monde et son fracas,
Je hais la solitude ;
J’abhorre et noises, et débats,
Et tant soit peu l’étude.

Spectacles, bals me plaisent fort
Et d’après ma pensée,
Je dirais ce que j’aime encore…
Si n’étais au Lycée.

Après cela, mon cher ami,
L’on peut me reconnaître :
Oui ! tel que le bon dieu me fit,
Je veux toujours paraître.

Vrai démon pour l’espièglerie,
Vrai singe par sa mine,
Beaucoup et trop d’étourderie.
Ma foi, voila Pouchkine.